L’Action
humanitaire dite moderne nous a habitué depuis bientôt un cinquantenaire à un
champs lexical tres riche. Au fil du temps nous avons vu passer des concepts
aussi divers les uns des autres touchant aux multiples secteurs d’activités du
domaine. Mon intérêt a été marqué spécifiquement par un
concept récent, celui de la « localisation de l’aide
humanitaire » parce qu’il touche une composante du système
humanitaire jusqu’ici mal connue : les acteurs locaux dont le rôle
lors des situations d’urgence intéresse de plus en plus les théoriciens de
l’Humanitaire.
De quoi s’agit-il ?
Empruntons
une définition intéressante au groupe URD[1]
« La localisation de l’aide est un processus collectif des différentes
parties prenantes du système humanitaire (donateurs, organismes des Nations
Unies, ONG) qui vise à ramener les acteurs locaux (autorités locales ou société
civile) au centre du système humanitaire avec un rôle plus important et plus
central. En plus de permettre une réponse humanitaire plus efficace et
performante, l’objectif à long terme de la localisation est de renforcer la
résilience des communautés touchées par la crise en établissant des liens avec
les activités de développement »[2]
En
d’autres termes, la localisation de l’aide préconise que les organisations
locales (nationales, société civile) soient désormais au centre des réponses
humanitaires mise en œuvre dans les pays en situation de crise. C’est
une idée dont la pertinence est réjouissante pour tout acteur de la société
civile au Cameroun par exemple, cependant suffit-il d’en parler pour que ce
concept soit matérialisé ? Quelques
questions pourraient à juste titre être posées par les citoyens lambda que nous
sommes.
C’est une idée de qui ? un débat entre acteurs internationaux ?
Il est
important de préciser ici que ce qu’on appelle « système humanitaire
mondial ». C’est un dispositif mis en place
par les acteurs occidentaux pour pouvoir répondre aux crises récurrentes dans
les pays dit du « sud » (Afrique, Asie, Amérique du Sud). L’observation de
certaines limites dans leurs activités sur le terrain a généré un débat sur la
nécessité d’impliquer davantage les acteurs des pays concernés. Cette idée s’est concrétisée en 2016 au
sommet humanitaire mondial qui a consacré un point important sur L’idée de laisser
une plus grande marge de manœuvre aux acteurs nationaux et aux sociétés civiles
locales.
Qu’en pensent les acteurs humanitaires locaux ?
Comme
tous les débats à caractère revendicatifs, les professionnels du secteur
humanitaire ont avec ce concept l’opportunité de critiquer la coopération
internationale comme nous savons le faire dans les chaumières. Les acteurs dit
locaux prennent part aux sommets internationaux sans y avoir un impact
quelconque, une observation passive d’un débat qu’on peut qualifier
d’occidentalo – occidentaux. Ils sont invités à participer aux initiatives
d’échanges organisées par les acteurs internationaux, ils participent à la
rédaction de quelques articles pour des revues occidentales. Il faut cependant
reconnaitre qu’il n’y a pas d’initiatives locales de réflexion majeures pour
apporter une contribution africaine, pour ce qui concerne l’Afrique à ce débat.
Une trouvaille après 50 ans d’échec du système humanitaire mondial ?
Il y a
de mon point de vue un sujet de réflexion intéressant pour quiconque observe l’écosystème
humanitaire international, nous avons ici l’opportunité de questionner la
pratique humanitaire dans nos pays afin d’analyser la faisabilité de ce vœu des
acteurs « politiques » internationaux. Pourquoi avoir attendu
50 années pour se rendre compte qu’il faut laisser les acteurs locaux prendre
en main les réponses humanitaires dans leurs pays respectifs ?
Quand on
sait que le système humanitaire mondial repose sur des principes, des
pratiques, des théories et mécanismes conçus et mis en œuvre en fonction des
grilles de lecture et perceptions occidentales, on pourrait également questionner
la volonté de localisation, signifie t’elle l’appropriation des pratiques
humanitaires occidentales ? quelles sont les possibilités de faire
autrement ? les acteurs locaux ne sont-ils pas une fois de plus contraint
de prendre un train en marche ?
Etudier
la faisabilité de la localisation de l’aide humanitaire nécessite un
questionnement rigoureux des sociétés humanitaires nationales. Telle est
l’aventure épistémologique à laquelle je vous convie, je vous propose
d’analyser sur une fréquence mensuelle les différents aspects du concept de
localisation de l’aide humanitaire, l’environnement est-il propice à une
responsabilisation des acteurs locaux ? Et si c’était encore un concept
creux ?
Nous
partagerons cette réflexion et ensemble nous évoluerons vers les réponses
parceque je pense qu’il s’agit là d’un moment historique pour la pratique
humanitaire dans nos pays, spécifiquement le Cameroun fortement frappé depuis
bientôt une décennie par la crise humanitaire la plus grave de son histoire. Allons-nous
encore laisser les « autres » réfléchir à notre place sur comment
rendre nos organisations humanitaires plus efficaces ?
Véronique de Geoffroy et François Grunewald , Plus
que l’argent- la localisation en pratique in …4…https://charter4change.files.wordpress.com/2017/08/plus-que-de-largent-la-localisation-en-pratique.
[2] Le Groupe URD est
un think-tank indépendant spécialisé dans l’analyse des pratiques et le
développement de politiques pour l’action humanitaire et la gestion des
fragilités
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