mardi 30 mars 2021

LA LOCALISATION DE L’ AIDE OU LA CONSECRATION DE L’ECHEC DU SYSTEME HUMANITAIRE MONDIAL ?

 


 

L’Action humanitaire dite moderne nous a habitué depuis bientôt un cinquantenaire à un champs lexical tres riche. Au fil du temps nous avons vu passer des concepts aussi divers les uns des autres touchant aux multiples secteurs d’activités du domaine. Mon intérêt a été marqué spécifiquement par un concept récent, celui de la « localisation de l’aide humanitaire » parce qu’il touche une composante du système humanitaire jusqu’ici mal connue : les acteurs locaux dont le rôle lors des situations d’urgence intéresse de plus en plus les théoriciens de l’Humanitaire.

De quoi s’agit-il ?

Empruntons une définition intéressante au groupe URD[1] « La localisation de l’aide est un processus collectif des différentes parties prenantes du système humanitaire (donateurs, organismes des Nations Unies, ONG) qui vise à ramener les acteurs locaux (autorités locales ou société civile) au centre du système humanitaire avec un rôle plus important et plus central. En plus de permettre une réponse humanitaire plus efficace et performante, l’objectif à long terme de la localisation est de renforcer la résilience des communautés touchées par la crise en établissant des liens avec les activités de développement »[2]

En d’autres termes, la localisation de l’aide préconise que les organisations locales (nationales, société civile) soient désormais au centre des réponses humanitaires mise en œuvre dans les pays en situation de crise. C’est une idée dont la pertinence est réjouissante pour tout acteur de la société civile au Cameroun par exemple, cependant suffit-il d’en parler pour que ce concept soit matérialisé ?  Quelques questions pourraient à juste titre être posées par les citoyens lambda que nous sommes.

C’est une idée de qui ? un débat entre acteurs internationaux ?

Il est important de préciser ici que ce qu’on appelle « système humanitaire mondial ». C’est un dispositif mis en place par les acteurs occidentaux pour pouvoir répondre aux crises récurrentes dans les pays dit du « sud » (Afrique, Asie, Amérique du Sud). L’observation de certaines limites dans leurs activités sur le terrain a généré un débat sur la nécessité d’impliquer davantage les acteurs des pays concernés.  Cette idée s’est concrétisée en 2016 au sommet humanitaire mondial qui a consacré un point important sur L’idée de laisser une plus grande marge de manœuvre aux acteurs nationaux et aux sociétés civiles locales.

Qu’en pensent les acteurs humanitaires locaux ?

Comme tous les débats à caractère revendicatifs, les professionnels du secteur humanitaire ont avec ce concept l’opportunité de critiquer la coopération internationale comme nous savons le faire dans les chaumières. Les acteurs dit locaux prennent part aux sommets internationaux sans y avoir un impact quelconque, une observation passive d’un débat qu’on peut qualifier d’occidentalo – occidentaux.  Ils sont invités à participer aux initiatives d’échanges organisées par les acteurs internationaux, ils participent à la rédaction de quelques articles pour des revues occidentales. Il faut cependant reconnaitre qu’il n’y a pas d’initiatives locales de réflexion majeures pour apporter une contribution africaine, pour ce qui concerne l’Afrique à ce débat.

Une trouvaille après 50 ans d’échec du système humanitaire mondial ?

Il y a de mon point de vue un sujet de réflexion intéressant pour quiconque observe l’écosystème humanitaire international, nous avons ici l’opportunité de questionner la pratique humanitaire dans nos pays afin d’analyser la faisabilité de ce vœu des acteurs « politiques » internationaux. Pourquoi avoir attendu 50 années pour se rendre compte qu’il faut laisser les acteurs locaux prendre en main les réponses humanitaires dans leurs pays respectifs ?

Quand on sait que le système humanitaire mondial repose sur des principes, des pratiques, des théories et mécanismes conçus et mis en œuvre en fonction des grilles de lecture et perceptions occidentales, on pourrait également questionner la volonté de localisation, signifie t’elle l’appropriation des pratiques humanitaires occidentales ? quelles sont les possibilités de faire autrement ? les acteurs locaux ne sont-ils pas une fois de plus contraint de prendre un train en marche ?

Etudier la faisabilité de la localisation de l’aide humanitaire nécessite un questionnement rigoureux des sociétés humanitaires nationales. Telle est l’aventure épistémologique à laquelle je vous convie, je vous propose d’analyser sur une fréquence mensuelle les différents aspects du concept de localisation de l’aide humanitaire, l’environnement est-il propice à une responsabilisation des acteurs locaux ? Et si c’était encore un concept creux ?

Nous partagerons cette réflexion et ensemble nous évoluerons vers les réponses parceque je pense qu’il s’agit là d’un moment historique pour la pratique humanitaire dans nos pays, spécifiquement le Cameroun fortement frappé depuis bientôt une décennie par la crise humanitaire la plus grave de son histoire. Allons-nous encore laisser les « autres » réfléchir à notre place sur comment rendre nos organisations humanitaires plus efficaces ?



[1]

Véronique de Geoffroy et François Grunewald , Plus que l’argent- la localisation en pratique in …4…https://charter4change.files.wordpress.com/2017/08/plus-que-de-largent-la-localisation-en-pratique.

[2] Le Groupe URD est un think-tank indépendant spécialisé dans l’analyse des pratiques et le développement de politiques pour l’action humanitaire et la gestion des fragilités

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